mardi 21 octobre 2014

La Télé Commande

Le 20 septembre dernier, alors que j'étais sur scène, place Maginot à Nancy pour soutenir les actions d'Handicap International devant un large public, au même moment à quelques pas de là, le géant américain du paiement en ligne, PayPal, investissait la place Charles III.


La ville de Nancy est sélectionnée comme tout premier "cobaye" européen, pour la mise en place du tout nouveau service de paiement du célèbre "P" bleu, afin de pouvoir payer dans une poignée de commerces à l'aide de son compte PayPal via son smartphone.

A grands coups de communication et de publicité, on nous vend une véritable révolution, du jamais vu, mais en y regardant d'un peu plus près, il n'en est rien.


Dans la pratique, il faut posséder un compte PayPal, qu'il faut relier à son compte bancaire en y enregistrant sa CB, voire son RIB, pour que lorsque vous réglerez votre note au resto via l'application, cette dernière puisse piocher sur l'un ou sur l'autre. 

Il est aussi possible de "recharger" son porte-monnaie virtuel PayPal (avec sa CB) pour ensuite dépenser son argent. Exactement ce que propose le Français Moneo depuis des années, sans succès.

De plus, pour régler avec l'application PayPal, hormis le smartphone (forcément) il vous faut avoir de la batterie, du réseau 3G, activer obligatoirement le GPS, composer un mot de passe chiffres/lettres (à chaque passage en caisse), rechercher le commerçant en question, vous présenter en caisse (le paiement à distance? Mensonge.), attendre que votre photo apparaisse sur la caisse, et faire confiance au commerçant qui, à ce moment là, peut encaisser la somme qu'il veut, car on ne vous demandera pas de confirmer (aucun dispositif prévu) si la somme est juste... Tout ça, si tout fonctionne sans bug. Ce qui est rare.

Vous avez dit révolutionnaire ? Vous avez dit plus simple que l'espère ou la CB ? 

Alors que l'espèse, la CB, le chèque, le virement bancaire, représentent eux, de vrais moyens de paiement complètement différents, PayPal n'invente rien et se positionne simplement en intermédiaire entre la banque, le client et le commerçant.

L'objectif : ramasser une commission (comme les banques sur les CB) sur toutes ces ventes du quotidien, dans la réalité-réelle. Terrain de jeu que PayPal souhaite désormais envahir, non content d'être le numéro un du commerce en ligne.

Donc tout ça pour de l'argent ? Sans blague ? :)


Oui, vous voyez où je veux en venir. ;)

Étant Nancéien, possédant un smartphone, et un compte PayPal en ligne, j'ai eu vent de la nouvelle qui ne m'avait pas du tout emballé. Mais un détail est venu changer la donne : PayPal offrait 10€ chez chaque commerçant participant à cette "révolution de la consommation", durant quelques jours.

Je m'étais alors laissé tenter, avec des amis, trouvant sympa et rigolote l'idée de prendre les sous d'un géant américain, pour aller les donner aux commerçants de ma ville.

Ni une ni deux, c'est chez un de ces commerçants qu'une équipe de France Télévision me tombe dessus, tout sourire, me demandant si je suis partant pour faire un petit reportage sur le sujet.


Je leur dit tout de suite ne pas être fan du concept (ça, vous l'avez compris) mais accepte de répondre aux questions et d'être filmé. 
Et là, c'est toute une mise en scène qui débute pour un tournage de près d'une demi heure, où on me fait sortir du commerce et re-rentrer, mimer une vente, découpée en plusieurs plans (larges, rapprochés, de détails, en champ, contre-champ...) la totale, tel un court-métrage.

S'en suis une interview où, comme promis, je m'exprime en toute objectivité (de la manière où je me suis exprimé ici, plus haut) en avançant les mêmes arguments.

La journaliste trouve ça tellement bien, qu'elle va jusqu'à me demander de refilmer une nouvelle fois une réponse où je taclais un peu gentiment PayPal, car son cadreur n'avait pas réussi à bien filmer.

Et voilà que le sujet, tourné fin septembre, est diffusé au 20H de France 2 hier soir.
Ne regardant jamais (ou presque) la télé, c'est des amis et des internautes qui m'ont dit m'avoir reconnu, en m'envoyant des messages, sms, mails, Facebook, et Twitter.

Il ne restait plus rien de ce qui avait été tourné!
Me voici réduis à une vulgaire illustration silencieuse d'un jeune lambda utilisant PayPal, complètement séduit par la supercherie, n'y voyant que du feu. 

Ou comment, en un coup de montage, on transforme une information (c'est pourtant leur job, d'informer sans travestir la réalité) en une vraie publicité, parfaitement lisse.

Non, il n'y a pas mort d'homme.
Non, ce n'est pas méga grave.
Mais au delà du fait de me retrouver en défenseur silencieux d'un truc que je critiquais en réalité, me scandalise, c'est aussi et surtout la manière dont cela est fait.

Et de voir l'information être détournée et travestie, pour correspondre à tout autre chose, être monnaie courante à la télévision, dans les médias, sur bien d'autres sujets, bien plus sensibles. 
C'est ça qui est révoltant et dangereux!



Le pont entre cette anecdote et mon dernier clip vidéo (sortie le 3 octobre dernier, soit pile après le tournage de ce sujet de JT) est alors plus qu'approprié. 

Oui, la télé commande.
Oui, elle dicte nos ivresses. 
Depuis des décennies, toujours plus loin, toujours plus fort, toujours pour les mêmes intérêts.
Elle dicte nos choix de vote dans l'urne, et de yaourt à l’hypermarché.

C'est là, dans cette chanson et ce clip, une partie de mon discours engagé contre cette société qui gâche tout, nos valeurs et notre humanité, pour seulement faire gagner du fric (ou du pouvoir) à quelques uns.

J'avais besoin d'exprimer cela, suite au tweet de hier soir.
Merci de m'avoir lu, et n'hésitez pas à vous exprimer à votre tour.

D'ici là,
Kiss
Cemil

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